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Légalisation et problèmes du PAGS en 1990
1989 : RÉFLEXIONS D’UN MILITANT SUR LA RÉORGANSATION DU PARTI
CONTRIBUTION DE TAHAR ABADA, 11 décembre 1989
samedi 30 janvier 2010
En ce vingtième anniversaire de la crise du PAGS, SOCIALGERIE poursuit la publication de documents demeurés inconnus parce que étouffés par des appareils qui n’en souhaitaient pas la diffusion et la discussion. (1)
Ces documents mettent en lumière les attentes démocratiques et organisationnelles dont la non satisfaction a fragilisé le PAGS en cette période cruciale de transition.
Après la lettre de Sadek Aïssat déjà publiée, c’est aujourd’hui la contribution de Tahar Abada, militant universitaire actif et respecté de la longue traversée clandestine, aguerri par les luttes aux côtés des travailleurs industriels et de la paysannerie mobilisée pour défendre ses acquis.
Pour situer cette contribution dans le contexte global de la crise, voir sur le site
l’entretien de Sadek Hadjerès au "Soir d’Algérie" réalisé par Arezki Metref les 1er et 2 juin 2007, qui reprend aussi les articles à la presse de novembre 1992 ( El Watan des 28-29 novembre 1992 et Alger Républicain du 29 novembre 1992) et autres...
La réflexion collective sur cette question me semble d’une importance stratégique et vitale pour le parti au moins pour trois raisons :
• Le Parti sort à la légalité
.
Ce passage se fait sans traditions acquises dans la mise en œuvre des règles de fonctionnement démocratique – dans tout le Parti. Le parti est né et a grandi dans la clandestinité, avec toutes les contraintes et les limites qu’imposait la clandestinité à un réel fonctionnement démocratique : (circulation très large de l’information, élaboration collective de la ligne, élections aux différentes responsabilités… etc.). Un bilan sur cette période très riche dans l’histoire du Parti devrait obligatoirement se faire et ceci pour d’une part tirer les leçons pour l’édification du Parti dans les nouvelles conditions et, d’autre part, pour nous préparer y compris à un éventuel retour à la clandestinité que pourrait nous imposer la situation politique.
Ce passage se fait aussi dans des conditions politiques et socio-économiques engageant notre pays dans une étape nouvelle nécessitant une réflexion en profondeur dans le Parti pour la formulation de ses tâches. Le parti avec le retard pris dans l’assimilation des conditions nouvelles de la lutte et dans le travail d’élaboration, est en train de négocier un tournant très difficile et très important, comportant des risques de tensions extrêmes dans la formulation théorique de ses tâches et dans l’expression politique pratique de leur prise en charge, risque pouvant conduire à une déstabilisation de ses rangs, à la perte de cadres et de militants qui ne seront pas suffisamment imprégnés des réalités politiques et socio-économiques nouvelles dans notre pays et dans l’évolution du rapport des forces dans le monde.
Il nous a été donné de constater lors de séances d’animation ou d’échanges sur des problèmes importants (mouvement syndical, arabisation, la formulation de la politique des aliances, « l’insertion inévitable de notre économie dans la nouvelle division internationale du travail » lors de la lecture de la déclaration du 09 / 05 / 1989, l’appréciation précise sur l’évolution de la formation socio-économique de notre pays, et plus récemment encore, l’ « autonomie » des universités… etc.), des frictions importantes dans nos rangs, frictions dues essentiellement aux retards d’assimilation, résultats des insuffisances de la clandestinité au plan politico-organique et des relâchements de l’animation politico-organique dans la période qui a suivi octobre. (Comment expliquer que le rapport de Juillet 87 et ceux élaborés après octobre « points de repères stratégiques » et points de repère sur la situation politique n’aient pas connu d’études collectives approfondies ?).
Cette situation est en train d’être corrigée par l’effort d’organisation engagé au cours de cette dernière période (mise en place de cellules, début d’organisation dans les quartiers, collectifs de directions provisoires à différents niveaux… etc.).
Cependant, le « gros » reste à faire au plan du fonctionnement démocratique comme levier irremplaçable afin de surmonter les divergences d’appréciation, réaliser le consensus à travers une réelle prise en charge de la circulation de l’information dans tout le Parti pour favoriser le débat et l’alimenter.
Ce débat et cette circulation de l’information sont une exigence de la vie démocratique dans le Parti. Ils doivent se faire parallèlement aux efforts d’élaboration théoriques engagés dans le Parti pour assurer dans les faits et concrètement l’exigence de l’élaboration collective de la ligne du parti.
• Le fonctionnement démocratique du Parti est un levier indispensable
à la mise en mouvement de tout le Parti à la conquête des masses. L’organisation du Parti n’existe pas pour elle même, elle est au service de la ligne du Parti, et l’exigence du fonctionnement démocratique de cette organisation à tous les niveaux n’est pas un « caprice » mais un impératif à prendre à charge pour que tout le Parti se mobilise autour des tâches élaborées collectivement, et dont chaque camarade est comptable devant les autres et devant l’ensemble du Parti de leur réalisation.
Ce besoin de démocratie et de transparence s’est déjà exprimé comme exigence lors du passage à la légalité, sous diverses formes, parfois spontanée, avec « un esprit frondeur et revendicatif » parfois plus consciente et peut-être empreinte d’impatience, ne tenant pas suffisamment compte de l’état réel d’organisation du Parti. Mais dans tous les cas, les réponses données ont été peu convaincantes. Ce que les camarades ont exigé, c’est d’être associés pleinement et informés sur les initiatives du Parti, parce qu’ils considèrent que c’est leur Parti et donc, ils doivent être pleinement impliqués dans tout ce qui touche au Parti : organisation, élaboration… etc.
A plusieurs reprises, nous avons assisté à une sorte de « grogne » chez les camarades (légitime), et plus récemment encore, quand les « collectifs régionaux provisoires » ont été mis sur place, ou à l’occasion de séminaires (finances, éducation, organisation) qui n’ont pas bénéficié d’une préparation à la base. Cette « grogne » fait suite aux anciens « réflexes » hérités de la clandestinité (rétention de l’information, conceptions anciennes des tâches internes … etc.), et dont il faut se débarrasser très rapidement, sinon elles deviendront un véritable frein au fonctionnement démocratique du Parti.
Il est vrai que le fonctionnement démocratique du Parti ne peut être pleinement assuré que si les tâches d’organisation et d’édification du Parti avancent, ce qui rendra possible la circulation de l’information, l’organisation de consultations dans tout le Parti sur les sujets préoccupants, garanti les échanges entre la direction du Parti et l’ensemble des militants. Que si avance aussi la lutte dans nos rangs contre le sectarisme, l’esprit d’autosuffisance, l’esprit autoritariste et dirigiste, que si on acquiert l’esprit d’ouverture nécessaire et la culture du dialogue qui nous rendront capable d’être attentifs aux débats contradictoires, à respecter les avis de nos contradicteurs et à les faire connaître aux échelons supérieurs du Parti et à la direction.
• La situation qui s’est crée dans les pays de l’Est
et son accélération ces derniers mois nous interpelle, entre autre, sur le respect et l’observation des normes de fonctionnement démocratique du Parti, du caractère de ses liens avec toute la société. Le « glissement qui s’est opéré, empiétant le fonctionnement démocratique du Parti, a engendré une « substitution » des appareils du Parti, non seulement à l’ensemble du Parti, mais aussi à toute la société. Cette situation a fait que les appareils du Parti échappaient à tout contrôle organisé de l’ensemble du Parti, entrainant des déviations graves aux principes léninistes de direction, au culte de la personnalité (résidus vivaces du stalinisme), à la corruption endémique, à la fuite en avant, à la bureaucratisation de l’ensemble de l’organisation du Parti, le rendant incapable de diriger la société., se substituant au peuple et entravant un principe toujours juste du marxisme (et dont les derniers développements en RDA, Tchécoslovaquie, Hongrie, Bulgarie n’en sont qu’une confirmation éclatante) à savoir que « ce sont les masses qui font l’histoire ».
Les causes de ce « glissement » sont à rechercher dans l’histoire des Partis Communistes de ces pays, dans les conditions nationales et internationales de l’époque, et de leur évolution ces quarante dernières années.
La mise en pratique du fonctionnement démocratique du Parti, ainsi d’ailleurs que la maitrise et l’assimilation des nouvelles conditions socio-économiques et politiques du pays et, par voie de conséquence la maitrise de la ligne du Parti (dans sa formulation théorique et son expression pratique) seront sérieusement confrontées à deux obstacles :
➢ La faiblesse de la formation théorique (politique et idéologique, la très faible maitrise du marxisme qui est très largement répandue dans nos rangs, y compris chez de nombreux cadres intermédiaires. C’est là un sérieux handicap pour un Parti comme le nôtre, pour qui la science marxiste (économie politique, matérialisme historique et matérialisme philosophique) est un guide de son action.
➢ La lourdeur exercée par tous les réflexes, méthodes de travail… etc. acquis dans la clandestinité. Il sera très difficile de se débarrasser de tout cet héritage pour s’ouvrir vers les exigences de l’édification du Parti dans les conditions de la légalité.
L’enracinement des méthodes de fonctionnement démocratique du Parti a un caractère stratégique dans la vie du Parti et leur mise en pratique doit être une préoccupation majeure chez tous les camarades, car c’est dans la pratique de tous les jours qu’elles prennent naissance et se développent.
QUELQUES PROPOSITIONS ET IDEES
(soumises au débat)
1. Chaque camarade, quelles que soient ses tâches et responsabilités, doit être intégré dans une cellule.
2. Dans le Parti, dans les cellules et collectifs, nul n’est détenteur de la vérité absolue, nul n’est dépositaire de la ligne du Parti. C’est le Parti, les cellules et collectifs qui par le débat, les échanges… etc., par la mise en mouvement de l’intelligence collective qui décident, élaborent, adaptent la ligne et les mots d’ordre du Parti.
En conséquence, être attentif et favoriser le débat contradictoire. Faire connaître tous les points de vue exprimés aux instances supérieures du Parti et à la direction à travers des PV.
En conséquence aussi, le responsable de cellule (ou de collectif) a le même poids que chacun des camarades composant la cellule (ou le collectif). Dans les réunions de cellules (ou de collectifs), le responsable se doit d’enlever « sa casquette de responsable » pour ne la remettre qu’après que la décision collective ait été prise, pour suivre sur le terrain sa mise en application, et préparer les matériaux de la prochaine réunion.
3. Pour les cellules déjà constituées, il serait temps de passer aux élections des bureaux de cellules pour mieux organiser le travail du Parti. Arrêter les échéances et donc le plan de travail bureaux des sections, conseils fédéraux et leurs bureaux…), là où pour arriver à l’élection des structures intermédiaires (sections et bureaux des sections, conseils fédéraux et leurs bureaux…) là où les conditions sont déjà réunies ou sont en train d’être réunies.
4. Prendre toutes les mesures pour assurer la circulation de l’information dans le Parti (de bas en haut et de haut en bas) : veiller à exiger des PV de réunion des cellules et des collectifs intermédiaires, élaboration de flash d’informations sur les activités de masse du Parti, sur les activités internes du Parti… etc. Prendre appui sur les expériences récentes du Parti pour la préparation de la Conférence Nationale à la base pour lui assurer un succès. Veiller à assurer la participation active de la base, y compris pour l’élection des délégués à cette conférence.
L’organisation et le développement de la communication dans le Parti, l’organisation des débats collectifs sur l’ensemble des questions qui préoccupent les camarades (qu’ils soient liés à la ligne du Parti, à la situation dans les pays de l’Est… etc.) constituent un puissant facteur du développement du fonctionnement démocratique du Parti.
La direction du Parti doit rendre des comptes régulièrement de son activité à l’ensemble du Parti, à travers un communiqué interne. Elle doit aussi faire connaître régulièrement l’avance dans l’élaboration, par la circulation dans les cellules de base et collectifs intermédiaires des documents liés à ce travail d’élaboration (même s’il n’y a pas encore de documents parfaits).
5. Le fonctionnement démocratique du Parti exige aussi le contrôle organisé de la base sur les activités des différents collectifs de direction intermédiaires, à travers des formes adaptées à l’état actuel d’organisation du Parti (AG bilan par ex.) doit être une exigence pour l’ensemble des structures du Parti, y compris celles supposées transitoires (ou provisoires).
6. Le droit de rappel doit aussi s’exercer comme forme du fonctionnement démocratique du Parti. Ce droit de rappel des responsables élus s’exerce aussi bien sur les structures intermédiaires que sur la direction du Parti.
7. Un élu ne peut assumer que deux ou trois mandats et, les structures de direction du Parti à quelques niveaux que ce soient, doivent être obligatoirement renouvelées par tiers à la fin de chaque mandat et ce, afin d’assurer à la fois le renouvellement de la composante et la continuité dans le travail de direction.
8. Le centralisme démocratique assure l’unité d’action du Parti, dans le sens où la minorité adopte, dans la pratique, les décisions majoritaires. Cependant, et autour de questions fondamentales, s’il y a divergences d’appréciation, comment prendre en charge dans tout le Parti l’avis minoritaire ? Sans faire du Parti une sorte de mosaïque, de patchwork, assurer la publicité dans le Parti des avis minoritaires peut aider à approfondir le débat.
Tahar ABADA
Blida, le 11/12/1989
Le PAGS A BESOIN D’UN FONCTIONNEMENT DEMOCRATIQUE
PAR MHD KHADDA ET CELLULE D’ALGER-CENTRE ; en date du 2
juillet 1990 ; dare de mise en ligne : 17 février 2010
Lire la contribution de la cellule d’Alger-Centre ...
SADEK AISSAT, SON APPROCHE SOCIALE ET DÉMOCRATIQUE
COURAGE POLITIQUE CONTRE HÉGÉMONISMES DE TOUS BORDS,
le 24 juillet 1990 ; date de mise en ligne : dimanche 17 janvier 2010
Lire la lettre de Sadek Aissat
UNE DÉMYSTIFICATION DU DISCOURS ULTRALIBÉRAL "MODERNISTE"
ET PSEUDO-MARXISTE ; automne 1990 ; date de la mise en ligne : vendredi 19 juin 2009
Lire la contribution ...
REHABILITER LE POLITIQUE
HADJERES AU "SOIR D"ALGERIE", GRAND ENTRETIEN AVEC AREZKI
METREF ; mai-juin 2007 ; date de mise en ligne : dimanche 31 mai 2009
Lire l’entretien...
Le document joint se proposait initialement de reproduire l’image scannée de l’original. Celle-ci s’est avérée peu lisible ; elle a été doublée par une présentation plus nette, qui reprend les annotations de l’époque (date de rédaction, date de réception (R), et annotation de SH indiquant un avis favorable à la mise en circulation)